J’ai volontairement refusé une promotion à cause du syndrome de l’imposteur

Peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur ou de ne pas mériter les honneurs. Beaucoup de femmes entretiennent ces sentiments,  quitte à desservir leur carrière…

woman standing in the middle on red and gray painted wall

Pensez-vous que vous accepteriez sans réfléchir et spontanément une promotion ou une opportunité professionnelle à laquelle vous n’étiez pas préparée ?

Il  y a de grandes chances que vous refusiez. Notre constat semble abrupt, mais en réalité il reflète une autre dimension du monde professionnel. La peur du manque de légitimité, le syndrome de l’imposteur, le manque de confiance, la crainte de la pression. Appelles-le comme tu le souhaites, mais tous ces symptômes sont réellement présents dans le monde professionnel et devine quoi, il concerne davantage les femmes. 

On aimerait te raconter l’histoire d’Elina. Elina est une femme brillante de 38 ans. Elle a un parcours sans faute. Grande école de commerce, postes au sein de grandes institutions françaises, percée dans des grands cabinets de conseil. 

A priori, elle avait toutes les preuves que ses compétences étaient solides et qu’elle était de réaliser ce qu’elle souhaitait. Pourtant un événement dans sa carrière est venu tout faire exploser. 

« C’est vrai que j’étais plutôt fière de ce que j’avais accompli. En fait pour la partie études, parce que j’étais hyper concentrée sur l’obtention des diplômes, des premiers stages, du premier boulot qui paierait le prêt étudiant. Mais je n’avais jamais pris de le temps de réfléchir à l’après. A l’ensemble de la carrière que je voulais. Ce n’était pas dans ma culture. »

Elina avoue à demi-mot qu’elle n’avait jamais pris le temps et l’espace pour réfléchir à ce qu’elle désirait réellement pour son projet professionnel. 

"Je n'avais jamais pris de le temps de réfléchir à l'après. A l'ensemble de la carrière que je voulais. Ce n'était pas dans ma culture."

« Alors le jour où on m’a proposé une promotion assez folle qui impliquait des gérer des équipes, d’améliorer mon salaire et ma position dans l’entreprise…J’ai beugué ». 

« Pour tout le monde c’était une nouvelle incroyable, la consécration. Mais moi j’ai eu une crise d’angoisse. Ma première réaction ? Je ne serai jamais à la hauteur. Je suis passée entre les gouttes mais là ils vont tous deviner que je ne sais rien. Normalement on aurait dû me proposer ça beaucoup plus tard ou même jamais », raconte Elina.

Deux éléments sont venus s’entrechoquer. Sa réussite « trop » rapide – selon Elina – en face d’une impossibilité à voir son potentiel professionnel. 

« Pour moi c’était une évidence qu’on serait davantage sur mon dos, qu’on surveillera chaque détail de mon travail, qu’on discuterait de toutes mes décisions » raconte encore Elina. 

Manque d’ambition ou lucidité ?

L’ambition est-elle inée ou peut s’acquérir ? Chez Speech ECHO, on aime redéfinir ce terme qui peut être connoté négativement chez certaines personnes. Au sein de notre agence on estime que l’ambition c’est plutôt une histoire de passion, d’amusement et de désir d’accomplir. L’ambition n’est pas seulement une histoire de finances ou de hiérarchie. Être ambitieuse c’est s’autoriser à demander assez pour soi, selon ses besoins et ses rêves et à se battre pour l’obtenir. 

Elle est donc inhérente à chaque individu. Mais il est clair que l’éducation et la culture jouent des rôles majeurs dans sa stimulation. Dans de nombreuses sociétés, les hommes sont clairement plus appelés à être ambitieux, lorsque les femmes sont autorisés à avoir une ambition « limitée ».

Une étude du think tank Women and Ambition révèle qu’en réalité 88% des femmes assument avoir de l’ambition. Le chiffre est impressionnant, mais se reflète-t-il dans la réalité ? Est-ce facile d’assumer son ambition lorsque l’on est une femme ? L’étude du think tank souligne également un écart par rapport aux hommes, puisque les concernant, ils sont 91% à se déclarer ambitieux. 

Autre fait majeur, les femmes légitiment davantage l’ambition des hommes que la leur. « Les femmes semblent sur-valoriser l’importance de l’ambition comme moteur de carrière pour les hommes : 64% pensent que c’est un moteur TRES important pour la carrière des hommes, alors qu’elles sont seulement 38% à déclarer l’ambition moteur TRES important pour la carrière des femmes », explique Women and Ambition. 

La légitimité, faut-il arrêter d’y penser ?

Malgré un travail consciencieux et impliqué, Elina n’a pas été en mesure de voir l’opportunité qui se présentait à elle pour révéler encore plus ses qualités. Elle l’a vécu comme une malédiction. 

« Pourtant j’en avais envie de faire ce que dressait ma nouvelle fiche de poste. J’ai plutôt une âme de leader, je suis assez empathique pour écouter mes collaborateurs. Mais je savais que je prenais un risque en acceptant. Alors j’ai tout simplement dit non. »

Ne pas s’autoriser à prendre des responsabilités n’est pas inédit chez Elina. Comme elle, de nombreuses femmes n’osent pas demander plus de responsabilités ou accepter d’en obtenir plus. L’Observatoire de la Mixité a réalisé une enquête en 2022 auprès de 1000 femmes et 1000 hommes sur leur rapport aux postes à responsabilité et leur sentiment de légitimité à y prétendre.  48 % des femmes n’ont même pas essayé de candidater à des postes à responsabilités. 

Chez les anglo-saxons on évoque cette tendance à refuser une évolution de carrière comme le « opting out ». Soit le refus de participer à quelque chose, de faire un pas de côté et se soustraire volontairement à une promotion. 

C’est le choix qu’a opéré Elina dans le passé. Ne pas accepter ce nouveau poste et les conséquences sur son quotidien au travail. Sauf que dans son cas, Elina, souhaitait secrètement l’accepter. Elle ne l’a pas fait. Pourquoi ?

Le NON déclencheur

« Lorsque j’ai sciemment refusé la promotion, j’ai ressenti quelque chose d’étrange. Pendant plusieurs mois j’étais flottante, en perte de sens. Ce refus m’avait condamné dans la boite, même si mon  manager m’avait affirmé que je pourrais y prétendre plus tard, je savais au fond de moi que c’était fini. Que j’allais être jugée pour ça, tant que je resterai dans cette boîte », explique Elina. 

Ce non, ce opt-out qu’elle a enclenché a fait mûrir une réflexion chez Elina qu’elle n’avait jamais frôlé. 

« Après quelques mois, j’ai décidé de démissionner, je devais voir ailleurs, faire autre chose. La promotion et son refus m’avaient révélé quelque chose de plus profond. Je voulais évoluer, faire bouger ma carrière mais pas selon leurs conditions. Des conditions où vous vivez  uniquement pour le travail et avec le travail. Des conditions de stress, une pression constante, une demande de rentabilité inatteignable. Je voulais réussir, gagner plus, acquérir de nouvelles compétences, mais comme ça. Pas dans ce monde ».

Elina nous confie quelque chose de puissant. La représentation intime de l’ambition est-elle décidée par les travailleurs ou les codes du marché du travail ?

« J’ai quitté ma boite et je suis partie en voyage durant 8 mois. C’était une urgence.  Un besoin fou de voir autre chose, de ressentir autre chose. De vivre. Jusqu’à mes 35 ans, j’avançais sans me poser de questions, sans analyser ma situation, mon environnement. Je me sentais vide et incapable de décider ce que je voulais réellement pour moi. Une carrière sans accroc mais sans questionnement ? Ou une vie pleine de rebondissements. Je devais trouver la réponse. »

Transformer son syndrome de l’imposteur en opportunité

Finalement ce frein qu’Elina s’est imposé à cause d’un syndrome de l’imposteur qui ne l’a jamais quitté malgré son parcours, mais il lui a permis de déclencher une réflexion profonde. 

« Sur le moment, mon entourage m’a traité de dingue. Claquer la porte d’une grosse boîte comme ça parce que je ne voulais pas être promue, ça paraissait fou aux yeux de mon père ouvrier. Pour lui, qui rêvait de me voir réussir et lui offrir une revanche sociale, on ne dit pas non à un patron et surtout on ne quitte pas une entreprise pour avoir été récompensée », explique Elina. 

Elina confie également que cette période de remise en question l’a parfois fait douter et si cette autre voie n’existait pas ? Peu soutenue dans sa démarche, elle admet qu’elle appréhendait son retour à la vie professionnelle et son rapport à l’ambition ne cessait de faire des allers-retours. Des envies de plus et puis un retour à une lucidité sur le monde du travail parfois freinante. 

« En réalité, ce non, cette fuite, ce syndrome de l’imposteur m’ont fait explosé la vérité à la tronche. J’étais à bout de souffle, je n’aimais pas vraiment ce que je faisais, rien n’avait plus de sens mais je n’osais pas le dire. Et à partir de là tout m’a sauté aux yeux. Les demandes insensées de mes responsables, ma santé qui se dégradait, les remarques sexistes, les humiliations au travail, etc. C’était abyssal. »

Il n’y avait plus de retour en arrière pour Elina. La consultante a décidé d’enclenche le grand changement de sa vie. 

« Après mon voyage je suis entrée en thérapie pour évoquer ce problème de valorisation et d’estime de moi-même. J’ai quitté Paris pour vivre dans une ville moyenne. Je me suis rapprochée de ma famille et de mes vrais amis. Et surtout je me suis fait accompagnée sur le plan professionnel par divers intervenants pour comprendre comment transformer mon métier. »

Elina a, en parallèle continuer les voyages et les rencontres informelles avec des professionnels pour ré-analyser le marché du travail, les besoins actuels de son secteur et les manques à corriger. L’ex-consultante a utilisé son métier pour le faire évoluer et le faire grandir. Elle n’a pas seulement refusé une promotion, elle a fait de ce non, un tremplin. 

« Si j’étais restée sur la démission et le refus de la promotion, j’aurais été complètement perdante et je me serai laissée dévorer par mon manque de confiance, j’aurais été broyée par un système auquel je n’ai jamais vraiment adhéré. J’ai mis presque une année à le réaliser, mais il n’est jamais trop tard », estime Elina. 

« Finalement j’ai fait exactement ce que j’attendais de mon entreprise, prendre le temps de comprendre mon rôle et son évolution. Analyser la réalité pour proposer des solutions adéquates à mes partenaires, mes clients, etc. Je l’ai fait sur mes propres fonds, en vivant sur mes économies, mais pour moi c’était un investissement sur moi-même que je n’ai jamais regretté. »

"Si j'étais restée sur la démission et le refus de la promotion, j'aurais été complètement perdante et je me serai laissée dévorer par mon manque de confiance."

Après cette phase d’introspection, de recherche et de construction de son nouvel ADN professionnel, Elina a décidé d’ouvrir son propre cabinet de conseil. Ses voyages lui ont permis de trouver de nouveaux partenaires. 

« J’ai décroché un premier contrat avec un partenaire en Afrique francophone et puis après ça s’est enchaîné. J’avais une idée nouvelle et je pouvais l’expérimenter sur un territoire hyper dynamique et non pollué par les séries de consultants et de missions sans sens qu’on a par exemple en France. » 

Elina a gagné sa liberté. Elle admet travailler toujours autant, parfois plus que dans son ancien travail, mais plus en paix. 

« Aujourd’hui je suis hyper fière de moi. Je ne doute jamais de mes compétences, je fais, c’est tout. L’action et la finalisation de mes projets sont mes preuves de réussite et elles ne viennent plus d’un ou plusieurs chefs au-dessus de moi qui évalueront non seulement mon travail mais aussi mon comportement, mon nom, mon genre ou mon réseau », estime Elina. 

« C’est comme si je m’étais offert ma propre liberté. Une liberté à laquelle je n’osais même croire… », conclut Elina. 

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