…Vous vous distinguez comme opposant clair à la croyance propagée.
Ce n’est pas juste, ce n’est pas éthique. C’est vrai. Mais parfois, en corrigeant la fake news, vous la relayez et lui offrez davantage de visibilité.
Vous lui donnez même du pouvoir la prenant comme angle de point de vue qui oriente votre pensée.
Est-ce que nous vous conseillons de laisser des informations erronées voire nuisibles circuler sans rien faire ?
Absolument pas.
Nous vous demandons de changer de stratégie dans la lutte pour une information juste et claire.
Parfois les faits et la rationalité ne permettent pas d’effacer une idée fausse qui a déjà été largement diffusée.
Au moment où l’on se rend de plus en plus compte du poids considérable de l’émotionnel dans l’adoption d’une information, la communication prend une nouvelle dimension.
Ce qu’il faut faire ? Contrecarrer les fake news :
- En produisant du contenu de qualité en masse.
- En publiant des histoires réelles.
- En donnant la voix aux personnes invisibilisées.
Le fact-checking n’est-il pas suffisant ?
Dans ce contexte, faut-il poursuivre le fact-checking ? Oui absolument, mais il doit être soutenu en parallèle, par la production d’autres contenus de qualité basés sur le réel.
Le fact-checking a été développé par de nombreux médias dans le monde, il permet de déconstruire de fausses croyances – parfois dangereuses – sur des sujets importants. Partager des connaissances nécessaires avec une audience, c’est lui redonner du pouvoir. Celui de réfléchir et de choisir.
Ce modèle informatif a été emprunté aux Etats-Unis, où les premières équipes de fact-checkers sont apparues. Cette méthode a explosé en 2016 lors de l’élection de Donald Trump. Durant sa campagne électorale, une vague de fake news a déferlé aux Etats-Unis, aidant largement son élection à la fonction présidentielle.
Son arrivée en Europe en 2017 a changé notre manière de voir la diffusion des informations. Des médias comme Le Monde, Libération, l’AFP, France Info mais aussi des commentateurs indépendants sur le web tentent quotidiennement de décortiquer les fausses informations pour aider les audiences à mieux comprendre le monde et éviter la manipulation.
Cela fonctionne. Mais l’impact du fact-checking reste modéré.
Fake news VS Fact checking
Une étude américaine, menée par plusieurs chercheurs de sciences politiques et sociales, mesure l’impact du fact-checking face au pouvoir de l’adhésion à des croyances.
Diego A. Reinero (en post-doc à la Princeton University), Elizabeth A. Harris (en post-doc à la Penn University), Steve Rathje (en post-doc à la NYU), Annie Duke(écrivaine) et Jay Van Bavel (professeur de psychologie à la NYU) ont tiré trois conclusions majeures à propos du fact-checking :
- Rectifier des informations erronées a un impact concret mais moyen. Une personne qui a cru à une fake news et qui a accès à un fact-checking clair, ne modifiera sa croyance initiale que de 3,7 points sur 100.
- La congruence, soit le fait de s’ajuster parfaitement à l’opinion de quelqu’un, est 5 fois plus puissante que l’action du fact-checking.
- Si le fact-checking est opéré par un groupe, une communauté ou une personnalité opposée à nos croyances, il ancre davantage la fausse information (à 52%) dans nos esprits.
L’esprit humain active d’abord l’émotionnel avant la réflexion factuelle
Un récit qui sait parfaitement toucher une audience, qu’il soit réel ou non, aura du mal à être démenti. Aussi faux soit-il.
Fake news, information ahurissante, croyance erronée. Elles peuvent aisément s’insérer dans les consciences grâce à des techniques de discours et à un ciblage psychologique.
Lorsqu’elles sont adressées à un public qui adhérait déjà à ce type d’idée alors ce sera encore plus compliqué. Si l’audience touchée se sent comprise, peu importe la démonstration de la réalité, le discours sera incorporé.
Au point que les sources officielles ou encore l’aura des médias ne suffisent plus à démentir des faits inventés ou faux.
“Les journalistes pensent souvent que nous sommes jugés sur l’exactitude des faits, mais ce n’est pas la manière dont les gens jugent une information fiable. C’est pourquoi les vérifications de faits à répétition ne sont pas aussi efficaces que les journalistes le souhaiteraient. Il y a peu de confiance au préalable.”
Allen Arthur dans Solutions Journalism Network.
Ce n’est pas la réalité qui compte, mais les vérités personnelles.
“De nombreuses personnes recherchent d’abord (quelque part inconsciemment) la vérité : Est-ce que je me vois, est-ce que ma communauté et nos intérêts sont compris et représentés avec compassion ? Lorsque la vérification arrive, il est trop tard.”
Allen Arthur
Il faut SURPRODUIRE de l’information
Est-il finalement impossible de convaincre un public déjà abreuvé de fake news ? Pas du tout, il faut seulement utiliser l’argument libre.
Dans le flot incessant d’informations que l’on reçoit quotidiennement, nous avons appris à développer une autre forme d’instinct pour analyser les faits. Et il n’est pas guidé par la réalité mais par l’IDENTIFICATION.
Pour faire le poids face aux fake news en général. Mais aussi aux campagnes de diffamation d’une personnalité ou de désinformation dans un contexte politique fort. Il faut être tout autant présent que les fake news. Si ce n’est plus.
Alors, écrivez, produisez, expliquez, analysez… d’autres angles, d’autres points de vue, d’autres contenus que ceux défendus par le camp de la désinformation.
C’est de la diversité que naît l’ouverture.